Monologue du tennis
Je dois avouer que ça ne me déplaît pas d’être sur mon canapé, stores
descendus, à regarder dans la fraîcheur relative d’une pénombre
dominicale deux bêtes types se renvoyer des balles jaunes sous un
soleil de plomb.
- J'en veux pas de ta balle, tiens, reprends-la !
- Mais toi-même-eu !
Mais hier, que ce fut dur !
La veille déjà, la finale féminine m’avait conduit au bord du suicide,
mais ayant heureusement sous la main un disque de Ray Barretto j’avais
pu lancer une contre-attaque victorieuse pour me détourner de ce non
spectacle tennistique qui ressemblait finalement beaucoup trop à une
chanson de Vincent Delerm, lent et chiant, mais heureusement pas très
long.
À propos de tennis féminin, quand je vois la majorité des joueuses, je
me demande si c’est parce qu’elles sont moches qu’elles jouent au
tennis ou si c’est le fait de ne vivre que par et pour le tennis qui
les rend moches ! Oui, je sais qu’il y a des exceptions, surtout dans
le pays de l’est.
Est-ce que là-bas les jolies filles n’ont pas honte de faire du sport.
Ou alors est-ce qu’en occident, les moches s’ennuient et font donc du
sport tandis que les mignonnes s’amusent, batifolent et font du
shopping (puisqu’apparemment le shopping est devenu un loisir !)...
Je me demande...
Par contre, dimanche matin, en émergeant mollement de ma grasse
matinée, j’avais décidé d’attaquer la journée et le plongeon dans le
café au lait de mes tartines ceriso-confiturées, conforté dans ce calme
ambiant par l’écoute jouissive et paresseuse du disque de Vassili
Tsabropoulos, Achirana, suivi d’Hyperborean d’Arild Andersen... Ce qui
nous emmena tant bien que bien jusqu’au repas de midi (on devrait
pouvoir écrire repas méridional, en dehors de toute orientation
gastronomico-régionale, mais on ne le peut pas, pour une fois, la
langue française est mal faite !) salade de crudités, cubes de féta,
thon, oeuf dur et olives noires, accompagnée d’un Saint Pourçain juste
à la bonne température... Le pied. Tranquille. Cool Raoul.
J’aurais dû me “mésinfier de la bourbille” comme faisait dire le
plus-que-douteux A.D.G. à son personnage de privé calamiteux Alfred
Beaugât dans les Pilote de ma jeunesse... Hélas, pour persévérer dans
la veine de ce qu’on appelle du jazz parce qu’on ne sait pas où le
ranger, j’enchaînais avec Chants, hymns and dances, musiques de
Gurdjieff et Tsabropoulos (deux fois nommé) pour attendre décontracté,
le choc des titans sur terre battue.
J’aurais pas dû.
Était-ce cette ambiance musicale tellement propice à la sieste
(crapuleuse ou non) ou la douce torpeur que n’avaient pu dissiper les
deux tasses de café autant noir qu’équitable et encore moins la vision
tournicotante d’Alonzo entr'aperçu s’obstinant à rouler sous le soleil
sans autre but que celui mesquin d’arriver premier une fois encore...
Quoi que ce fut, la finale s’est annoncée dans un climat pas mal
ramollo. Du coup, le choc attendu, espéré, escompté, voire redouté par
certains, n’a même pas eu lieu. On pouvait bien s’amuser à jouer au jeu
des sept zerreurs entre les tenues des deux joueurs, mais ça n’allait
pas nous occuper tout l’après-midi !
Médusés. C’est ce que disait le commentateur : le public est médusé. Tu l’as dit bouffi !
C’est vrai en plus qu’il est un peu bouffi, Lionel Chamoulaud. Rien que
son nom, déjà, ça n’évoque pas vraiment l’enthousiasme et le combat à
couteaux tirés sauf pour couper des chamallows...
Bref, comme aurait-dit Passepartout faisant des ménages dans les
couloirs de Roland (vous avez remarqué, on ne dit que Roland, on ne dit
plus Garros ! Ça fait trop portos ou quoi ?) bref, le match a tourné
court ! Et ce numéro un dont on attendait des merveilles nous a bien
fait lanterner, ce qui en fait n’est pas étonnant pour un garçon venant
d’Helvétie...
On aurait bien aimé lui botter le cul, lui dire mais bats-toi, bon sang
de bonsoir, réagis, quoi ! Mais non ! Alors qu’on espérait se régaler
avec un bon plat de résistance, on n’a eu que du petit suisse !
En plus, à la fin, confronté aux questions de l’interviewer fou
pédalant en l'occurrence dans le fromage comme un hamster dans sa roue,
ce toujours brave garçon, l’amorphe au nez baissé, nous gratifia d’un
commentaire bon enfant du genre je suis allé plus loin que l’année
dernière et j’espère faire mieux la prochaine fois...
Trop ramollis pour shooter dans la télé, on s’est retrouvés le bec dans
l’eau, un peu déçus, un peu largués aussi, l’impression d’avoir manqué
quelque chose. T’es sûr que t’étais sur la bonne chaîne ? Ben,
maintenant que tu le dis... Un faux-match, une contrefaçon peut-être,
comme si au beau milieu d’une légende celtique, au lieu de joyeux
lutins on s’était fait refiler des grolles et des cardigans...
Cherchez l’erreur.
écrit par: Dilettante